Pour saluer Maurice Nadeau par Pierre Assouline
le 17 juin 2013
Alexis GloAGuen, AlAin Joubert, Albert bensoussAn, JAcques-Pierre Amette, André PAstoureAu, tAhAr ben Jelloun, AnGelo rinAldi, AndreA ZAnZotto, AnnA lAnGhoff, Anne thebAud, Arno schmidt, Arthur de GobineAu, robert Antelme, bernArd desPortes, bernArd ruhAut, bruno ruel, cAtherine clemenson, soiZiG AAron, cAtherine dAnA, cesAr AirA, cesAr loPeZ, chArles duits, mAlcolm lowry, christiAn dufourquet, christine sPiAnti, dionys mAscolo, dominique fAbre, dominique noGueZ, dorA breitmAn, emmAnuel binG, emmAnuelle Pireyre, ersi sotiroPoulos, felix PhiliPP inGold, frAnçois cArAdec, frAnçoise Asso, frAnçoise GrAuby, henry miller, edGAr morin, GeorGes cheimonAs, ArrAbAl, GérArd noiret, GheorGhe crAciun, GiorGio cAProni, GiusePPe PontiGGiA, J. P. donleAvy, GustAv JAnouch, hAns loffler, JeAn-mArie le cléZio, lAwrence ferlinGhetti, isAbelle fiemeyer, J.m. coetZee, JAcques Presser, JAne urquhArt, JAnine mAtillon, JeAn lAcoste, JeAn levi, JeAn metellus, JeAn vAn heiJenoort, JeAn-clAude emion, JeAn-JAcques mAyoux, JeAn-michel mAubert, JeAn-Pierre GAxie, dAvid rousset, JeAn-roGer cArroy, JuAn mArtini, JuAn rulfo, witold GombrowicZ, leonArdo sciAsciA, linG xi, lAwrence durrell, J.l. borGes, louis ArAGon, lucAs bAlZer, mAriAn PAnkowski, mArios hAkkAs, mArtin melkoniAn, mAthieu riboulet, richArd wriGht, mAurice coyAud, mAx blecher, michAel kohlmeier, michel houellebecq, hector biAnciotti, michel volkovitch, michèle villAnuevA, mohAmed mokedem, nicolAs stAkhovitch, nAtAchA AndriAmirAdo, PAol keineG, olivier tArGowlA, PAscAline mourier-cAsile, PAtrice Pluyette, PAvel vilikovsky, PhiliPPe bArrot, Pierre nAville, Pierre notte, Pierre PAchet, GeorGes Perec, Pierre PéJu, robert André, serGe quAdruPPAni, roGer Gentis, silvio f. bAridon, rAymond Philotecte, serGe-JeAn mAJor, simon niZArd, sylvie AymArd, stiG dAGermAn, thiPhAine sAmoyAult, thomAs bernhArd, vArlAm chAlAmov, wAlter benJAmin, yAnn GArvoZ, wAlter lewino, yvon beGuivin, yves-mArie kervrAn, John hAwkes...
Son oeuvre
Maurice Nadeau Editeur
Si vous connaissez ces auteurs et leurs livres, c’est aussi et parfois surtout sinon uniquement à Maurice Nadeau que vous le devez, pour les avoir lus, choisi et publiés dans les collections qu’il dirigea chez d’autres (Corrêa, Mercure de France, Julliard) ou dans ses propres maisons, Les Lettres Nouvelles puis les Éditions Maurice Nadeau, pour ne rien dire de ceux qu’il fit connaître par ses articles dans Combat, France- Observateur, L’Express ou La Quinzaine littéraire qu’il porta à bout de bras jusqu’à son dernier souffle. A-t-on déjà vu une vie aussi longue et aussi entièrement dédiée aux livres et aux écrivains ?
En donnant le coup d’envoi des festivités célébrant son centième anniversaire il y a trois ans, le maire de Paris lui avait remis la médaille de quelque chose de la Ville. Dans son discours de remerciements, le roi d’un jour n’avait pu s’empêcher d’être lui-même : « Les honneurs déshonorent... comme disait Flaubert ». Non du mauvais caractère mais du caractère. De quoi acquérir une réputation : celle d’un éditeur et d’un critique au grand flair. Ils ont longtemps travaillé chez les autres avant de se ranger sous leur propre bannière : les Éditions Maurice Nadeau et la Quinzaine littéraire, journal de critiques où nul n’est payé en étant convaincu que le seul fait d’y paraître suffit à être payé de retour. Il y fut le patron charismatique et l’actionnaire principal, le mécénat de Louis Vuitton ne donnant un coup de main que pour la collection de voyages.
Tous les auteurs ne furent pas ingrats. Mais ne vous y trompez pas : il n’était pas quitté, c’est lui qui les quittait. Car cet éditeur-là était atteint du syndrome de la dépossession. Dès qu’il découvrait un écrivain, il avait hâte de s’en débarrasser. Quand ses confrères se montraient unanimement exclusifs avec leurs auteurs, lui ne les retenait jamais. « C’est plus fort que moi mais je ne peux les garder : je n’ai jamais eu un sou. Demandez aux éditeurs chez qui j’ai travaillé : je leur ai toujours fait perdre de l’argent ! » Chaque fois qu’il s’est séparé d’un éditeur, ses auteurs l’ont suivi. Ceux qui finissaient par le quitter lui demeuraient fidèles. N’empêche que quelques départs l’avaient laissé amer : Léonardo Sciascia le quittant pour Fayard en prétextant le rôle de son agent (« après onze livres ! tout ça parce que je lui avais refusé du théâtre... »), et John Hawkes l’abandonnant pour le Seuil (« au bout de dix romans ! ça aussi, ça m’a fichu un coup... »). Sûr que si Michel Houellebecq était resté, la maison y eût gagné en confort financier, seulement voilà : après avoir publié Extension du domaine de la lutte, non sans hésitation en raison des sommes qu’il avait déjà perdues avec tant de premiers romans, l’éditeur refusa ses poèmes : « Il y en avait un intitulé « Prévert est un con » et ce con était mon ami, alors... Et puis question poésie, je suis plutôt Michaux que Houellebecq, si vous voyez. Depuis son succès, tout le monde prétend l’avoir découvert, Raphaël Sorin, Dominique Noguez... Enfin, découvert pour la seconde fois. »
En se retournant sur le chemin parcouru, il ne renia aucune de ses révélations, et pour cause, mais reconnut comme un aveu d’échec général : « J’ai vécu mais au fond, partout où je suis passé, je n’ai jamais gagné d’argent comme éditeur. » Découvreur ou passeur, appelez cela comme vous vous voulez, n’empêche qu’on l’a longtemps considéré comme la poubelle des refusés, ceux qui avaient fait le tour des autres maisons avant d’échouer chez lui. Il avait raté l’inconnu Beckett de peu : sa femme ne lui avait soumis que trois feuillets, mais il s’est rattrapé en lui consacrant le premier article paru sur son premier livre, et en se liant avec lui en silence : « On passait des après-midis entiers à la campagne sans échanger un seul mot ». À la fin de sa longue vie, il s’appliquait à lire le dernier livre du philosophe Sloterdijk, entre autres car il n’avait jamais pu s’empêcher de lire trois livres à la fois, réflexe de critique avide de tout qui reçoit tous les livres depuis toujours. Alors parallèlement, plutôt que les nouveautés, il préférait relire Bataille. Ses pensées n’allaient pas aux grands écrivains qui l’ont fait, ni à ceux qu’il a faits, mais à ses parents. À sa mère, femme de ménages jusqu’à son dernier souffle. Elle aurait été fière : « Elle l’était déjà : j’ai été instituteur puis professeur, son rêve d’illettrée ». Son père aussi, si le destin lui avait laissé le temps. Il avait 26 ans dont cinq de service militaire et de guerre : « C’est cela qui m’a fait, ma révolte face à cette injustice : il n’a pas eu le temps de vivre ». À la fin d’une permission en 1916, juste avant de rejoindre Verdun, il s’accouda à la fenêtre et dit à sa femme : « Ne t’en fais pas, je reviendrai ». Les derniers mots que l’enfant entendit de sa bouche, la dernière image qu’il conserva de lui. Il avait 5 ans mais en parlait à la veille de son centenaire comme si c’était hier.
On ne voit pas en ce début de siècle d’éditeurs d’une telle stature. C’est aussi que l’époque a changé : la profession, cela va de soi, mais aussi les auteurs, l’esprit des livres, la manière de les faire connaître... Lorsque l’un d’eux recevait une lettre de refus signée de lui, il savait, même sans l’avoir jamais rencontré, que son manuscrit avait été lu et qu’il ne s’agissait pas d’une circulaire. Il n’y a pas et il n’y aura pas d’autres Maurice Nadeau avant tout parce que son temps, structures et circonstances, est révolu. Tant d’écrivains se seraient damnés pour être publiés par lui, car accoler leur nom au sien revenait à être adoubé par le regard d’un grand lecteur. Un sourcier généreux de ses découvertes.
CATALOGUE HISTORIQUE 1945-1975
ÉDITION DU PAVOIS - COLLECTION "LE CHEMIN DE LA VIE",
1945 - 1949
Balandier, Georges, Tous comptes faits