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Nathalie Bénézet

La femme minérale

Parution en librairie : 17 mai 2024

La narratrice rentre d’un long voyage à l’étranger. Entre deux emplois, elle est flottante, cherche des signes qui donneraient un sens à sa vie. La lecture d’un fait divers dans le journal, « un drame de la misère », l’interpelle. Un couple a été déchu de son autorité parentale. Plus jamais, ils ne pourront avoir de contact avec leurs enfants. Quel drame se cache derrière ces quelques lignes ? Patiemment, avec délicatesse, elle va s’approcher du cœur de cette histoire et découvrir que, peut-être, tout n’est finalement qu’une histoire d’amour. L’écriture de Nathalie Benezet brise les silences et les tabous de ce que notre époque refuse de voir. Elle avance dans le récit avec souplesse, empathie, naviguant en cercles concentriques jusqu’à la résolution finale. 112 p. 17 €. ISBN : 978-2-86231-502-7 

 Nathalie Bénézet, née en 1965, a beaucoup voyagé  à l’étranger comme chargée de mission de l’Association ATD Quart Monde dont elle dirige aujourd’hui le Centre de Mémoire et de Recherche Joseph Wresinski. Elle a publié  Les moissons de l’absence (2016) et Mon pays c’est le chemin (2018) aux éditions Chèvre-Feuille Étoilée. La femme minérale est son troisième roman.

 

Extrait

Extraits

« Je vois le petit article. Un truc de rien du tout. Minuscule. Alors que je suis déjà dans ce geste de fermer le journal, mes yeux retiennent le petit rectangle et un bout de phrase un drame de la misère. J’ouvre et je lis. Plusieurs fois. C’est écrit comme la plupart des faits divers, en quelques phrases taillées à la hache. Ça parle d’une famille, un couple et leurs petits, des jumeaux. C’est dans un coin de campagne. Ils se sont enfermés là avec leurs enfants. Ils ont tout barricadé. C’est l’hiver. Ils attendaient, on ne sait pas quoi, un miracle. Il n’y a pas eu de miracle. Ce n’est pas le journal qui dit ça, c’est moi. Le texte disait qu’un travailleur social était venu et avait fait hospitaliser les enfants. L’article donnait le résultat du procès, les parents déchus de leurs droits. Tout ça dans un record d’économie de mots. C’est l’avocat qui a dit cette phrase. Il a dit :  « C’est un drame de la misère ». Comme une conclusion. Et c’est ça qui a retenu mon attention, ces mots-là. J’ai recopié le nom de l’avocat. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, c’était sans réfléchir, j’ai noté son nom. Le nom de l’avocat est tombé dans ma cave. Et puis ça m’a travaillée cette histoire. Pendant des jours, j’ai pensé à ces gens. Je me demandais ce qui s’était vraiment passé. »

 

« Elle a juste fait un pas en avant, face à la Cour. Le petit sac rose s’est balancé légèrement à sa main droite, puis sa poitrine s’est un peu soulevée et la parole est montée. Le président s’est interrompu de lui-même dans le début de phrase qui l’amenait à conclure. Il s’est tu avant même qu’elle ne parle. Son corps a bougé et c’était sidérant, un peu comme si un meuble ou une pierre s’était tout à coup manifesté, avait envisagé un pas vers nous.

Constance, sa voix est limpide, presque autoritaire : 

—   Si on s’est bouclés comme ça, je l’ai déjà dit au juge, c’est parce qu’on savait qu’on nous les prendrait. On n’a jamais fait du mal aux jumeaux. (Brouhaha dans la salle, le président a du mal à imposer le silence.) Maintenant on nous les a pris, j’ai plus rien à dire sur ça. (Elle met du silence entre ses phrases.) Si je suis venue (elle regarde le procureur) c’est parce qu’il faudrait enlever le mot maltraitance du rapport, c’est tout ce qu’on demande, mon mari et moi. »