La vie à l'envi
La Vie à l'envi est un poème-chronique. Un chant de l'enfance perdue, livrée aux éléments, à la ville, à sa propre folie. Amour, meurtre, errance, désir, solitude, prostitution se mêlent en un quotidien insaisissable dont le rêve trace les contours, un quotidien où l'imaginaire donne à l'existence sa dimension réelle. Nourris d'herbe, d'alcool et de violence, les enfants de la nuit reconstruisent à leur façon, contre les hommes, les jeux de l'amour et de la mort. 119 p. (1985)
Extrait
entourées de murs peints de graffiti d’envois d’appels d’adresses d’adieux sur un pavé où gisent des éclats de jouissances les pages d’un journal s’entassent dans une tasse à Paris elles content l’histoire dérisoire d’un incertain lointain qui se perd s’oublie dans un présent passé à repasser sa vie
(sans doute autant que vous sachiez que sa vie à l’envi se traîne de rêves en égouts que le goût du rêve étrenne un doute sur l’envie de jouer à la vie)
cela se passe de commentaires de jours de semaines et loin du pont Mirabeau
où la Seine sème les amours à rebours
un journal jauni d’un jour feuille foulée d’un pas à Paris sur Seine sème l’interrogation imagination envolée volée aux passants non pas sans problème face à cela qui casse la cadence dense d’une vie
annonce
le corps d’un adolescent
d’une quinzaine d’années tué de cinq coups
de couteau dans la poi-
trine a été découvert
vendredi 5 mai dans un square bordant le
canal Saint-Martin
on ignore l’identité de l’adolescent la vic-
time ne correspondant à
aucune des disparitions
signalées
le Parquet a ordonné une
enquête
c’est fou ce qu’à notre époque les adolescents disparaissent dit un vieux monsieur ganté
la foule majeure reste silencieuse
il n’en restera bientôt plus reprend le vieux missié gâteux
ainsi la vie va son cours le long de la Seine à Paris et se fraye un passage à travers les murmures
quand le vent rasant la terre fait s’ouvrir soudain
la chemise du mort
dévoilant la splendeur de son ventre nu taché de gouttes d’ambre le haut du pantalon dégrafé arraché où le regard se noie