Les Nuages de Paris
Ce recueil, dont plusieurs poèmes ont paru dans les publications de l'Oulipo, en hommage à la fois de Raymond Queneau, Georges Perec et François Coppée, parle d'une ville qui a tellement changé qu'ils ne la reconnaîtraient plus... 124 p. (2007)
François Caradec (1924-2008), membre de l'Oulipo, est l'auteur de biographies de référence sur Isidore Ducasse, Alfred Jarry, Raymond Roussel, Alphonse Allais, Willy, "le père de Claudine", et de "bandes dessinées en prose".
Extrait
La traversée de Paris
Un long vol d’oiseaux migrateurs
ils font bien du 60 canards à l’heure
traverse Paris en triangle.
Cela doit bien les étonner
ce paysage bétonné
où qu’on est donc
en quel pays quelle saison
et que venons-nous faire ici ?
C’est ça Paris ?
Le voyage inénarrable
La traversée de Paris
le trajet de l’autobus 48
le parcours des manifestants de la Bastille à la Nation
la promenade le long des quais de Seine
le chemin de Saint-Jacques des pèlerins de Compostelle
le parcours du combattant à la gare de l’Est
la tournée des grands boulevards
la marche des garçons de café
le marathon de Paris
la passage à gué de la Bièvre à la Glacière
le pèlerinage de la Vierge de la rue du Bac
la route de la soie de l’avenue de Choisy
l’ascension sur les hauteurs de la Butte-aux-Cailles
l’exode des Parisiens le vendredi soir
l’odyssée des enfants de Paris au bord de la mer
le départ des Allemands en août 1944
l’escalade des escaliers du Sacré-Cœur
l’itinéraire d’Arago de Montmartre à la Cité Universitaire
le défilé du 14 juillet aux Champs-Elysées
le retour des prisonniers et déportés à l’Hôtel Lutétia
le train des banlieusards à la gare Saint-Lazare
la flânerie aux Puces de Saint-Ouen.
Poésie dans le métro
Le poète m’a dit : On n’en fait jamais trop
mes vers sont placardés sur le quai du métro.
Je lui ai répondu : Naïf de mirliton
ces vers harmonieux croyez-vous les lit-on ?
A quoi bon s’échiner sur quelques bouts rimés
ne forcez pas votre nature
le train ne peut partir que les portes fermées
ne gênez pas leur fermeture.
Ici
Il faut de tout pour faire une ville.
des imbéciles et des gens
à peine plus intelligents
des richards et des indigents
des caporaux et des sergents
des hommes bruns des femmes blondes
des charcutiers des vidangeurs
des proprios des voyageurs
des entrepreneurs de labeur
des canotiers des déchargeurs
des chevaliers de tables rondes
des chevaux des vaches des chiens
des chats des académiciens
des fleuves des murs mitoyens
des musulmans et des chrétiens
conneries et pensées profondes
des voyous et des merles blancs
des pieds des mains des poux volants
cors de chasse cris et serments
des sales gueules des jocondes
mais pas trop n’en faut.