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Bensoussan, Albert et Madar, Nicole

Sroulik

Univers ashkénaze et monde séfarade se partagent les pages de ce récit où Sroulik, fils unique et chéri de sa yiddische mame, en est le héros. Autour de lui, les odalisques mènent la danse : Rebecca, la chère, Yéhoudit la sioniste, Yoheved et Tessa. La tribu tient le haut du Sentier en autant de clans, fort habiles dans les joutes oratoires, les jeux des clics et des claques.
Les uns ne jurent que par le paprika, le fin palais des autres n'accepte que le harissa. Les uns truffent leur bavardage d'expressions yiddish. Les autres n'ont que proverbes judéo-arabes à la bouche. Deux cultures, deux mondes s'affrontent au fil des facéties. Pour la satisfaction du lecteur, après combien de péripéties sonnantes et colorées, ils finissent par se confondre. Faut-il en augurer que sur la terre d'Israël la grande famille juive finira par trouver son harmonie ? 104 p. (2006)

Albert Bensoussan, écrivain et traducteur a publié, entre autres fictions, quatre romans chez Maurice Nadeau. Nicole Madar, chef d'entreprise et, comme lui, enfant de la Méditerranée, apporte ici science, poésie et truculence.

Extrait

 Ce lourdaud de Sroulik

Il devait tout à sa maman, une yiddishe mame qui l’appelait toujours “ma fils”, et voilà et voilà. Comme le père était resté sur ses terres du shtetl, et même tout bonnement sous terre, que Dieu repose son âme, Sroulik ne se séparait jamais de sa mère, même de jour, quand ils ouvraient la boutique — “Chez Golda de Lodz” — qu’elle est rie Bonne-Nouvelle, et même la nuit, qu’il dormait à côté d’elle, dans la petite penderie où restait encore son berceau d’enfant, avec le petit couteau sous le matelas pour la chance… Une mère on n’en a qu’une, n’est-ce pas ! Et donc, ce grand dadais de Sroulik passait son temps au milieu des rubans et des fils du commerce, et entre les jupes de sa mame ; ah ! ma fils, elle lui disait, kiski toi ti seris sans moi (elle avait gardé, n’est-ce pas ? un fort accent du ghetto). Mais quand même, lorsque la vieille Tsipora, la chadchan (ainsi appelée sur les terres du shtetl), une marieuse professionnelle appointée par la communauté, était passée, rapport à Sroulik qui avait fait sa bar-mitsva depuis dix ans déjà, la mère avait su entendre la voix de la raison, que psalmodiaient les deux femmes, la reine du mariage cacher et son assistante, une nubile bégayante aux yeux pas trop en face des trous. Et voilà la chanson :

— Pour Sroulik, le fils chéri à sa mame, on lui a trouvé la perle rare, une jeune fille qu’elle est pure et belle...

— Ah ! comme elle est p-pure et b-belle ! reprenait de sa voix geignarde la bigleuse.

— Et comment qu’elle est, cette perle qu’elle est belle et pire pour ma fils ? demandait la yiddishe mame.

— Alors la marieuse entonnait, relayée par son assistante qui reprenait toutes ses phrases d’une voix fêlée :

— Elle a des yeux, des yeux…

— Et qu-quels z’yeux ! .…

— Elle a des mains, des mains…

— Et qu-quelles m-mains !...

— Elle a une bouche, une bouche…

— Et qu-quelle ba-bouche !...

— Elle a des seins, des seins…

— Et qu-quelles ma-ma-mamelles !... (l’assistante traduisait à vue de nez).

— Elle a une croupe, une croupe…

— Et quel dada-dédé-derrière !...

Bon, la litanie pouvait durer des heures, et pendant ce temps-là il fallait passer les tasses sous le samovar et servir les strudels… C’est qu’elle ne crachait pas dans le bortsch, la Tsipora !

— Alors elle est parfaite pour ma fils ? demandait la mère pour finir…

— Si elle est parfaite !... Si elle est parfaite !...

— Si-si-si… pa-pa-pa…

— Y’a juste un petit défaut…

— Et què-què-què… ! (la bègue et bigleuse, qui pouvait l’arrêter ?)

— La vérité, je vous le dis, elle a deux dents qui manquent…

— De-deux d-d-dents sur le de-devant !...

— Mangera moins, fait la belle-mère putative…

— Et puis et puis…

— Pu-pu-pu… pi-pi-pi…

— Le nez qu’il est un peu long et pas mal tordu…

— Et qu-qu-quel long nez !... fit la bègue avec sa langue pendue.

— On en fera une usufruitière, ajouta la marieuse, qui voulait peut-être dire usurière.

Suite des litanies :

— Et trois poils au menton…

— Et qu-quels poils !...

— Sur sa verrue…

— Et qu-quelle ve-verrue !...

— Et les genoux cagneux…

— Ca-ca-cagneux…

— Et les pieds calleux…

— Ca-ca-calleux…

— Et, ach ! j’allais oublier le principal avec les intérêts, elle a une bosse…

— Et qu-quelle bo-bosse !

Eliézer, qui est le premier marieur de l’histoire, avait trouvé, sur les instances d’Abraham son maître, une parfaite épouse pour Isaac son fils. Il lui avait suffi de rôder autour d’une fontaine sur les terres chaldéennes, au cœur de la tribu d’origine. L’élue, Rébecca, la jeune fille à la cruche, celle qui serait la deuxième matriarche d’Israël, devait non seulement lui donner à boire, mais aussi abreuver ses vaisseaux du désert qu’on appelle dromadaires, animaux à bosse. Quant à Booz, autre vieillard attendri, c’est entre les mains de Ruth, étrange femme venue de Moab, qu’il avait étanché sa soif et nourri le feu de sa forge, et un arbre à multiples rameaux était sorti de son ventre. Autres temps, autres noces. Il faut un temps pour les palabres, et un autre pour les chameaux. C’est au cœur du clan familial que Tsipora était allée quérir la Rébecca de notre Sroulik.

Passons sur les détails, le samovar fut vidé et les gâteaux engloutis. On trouva un arrangement à l’aimable — comme dit la vieille Tsipora —, le bonus des yeux fut compensé par le malus de la bosse, bref ils passèrent sous le talith, ketouba signée et verre brisé sous le talon, dans la clameur de la shoule et la berakha du rabbin : Boré peyre ogophène…, que béni soit le fruit de la vigne… fruit des entrailles et béni… Le reste appartient à la nuit.

Et Tsipora s’en était allée vers d’autres missions impossibles et en courbant le dos, bossue de tous ses efforts avortés, car elle savait bien que son souci de faire coller deux personnes l’une à l’autre comme une même chair n’était que pitoyable singerie de l’acte suprême de la Création, et qu’en somme, seul Dieu était véritablement chadchan sur cette pauvre planète si mal appariée. Et encore : Adam et Ève, quel succès ! David et Bethsabée, quelle réussite ! Salomon et la ténébreuse Belkis, quel triomphe ! Et pourtant, que belles sont tes tentes, ô Jacob, tes demeures, ô Israël ! Le psalmiste ne cesse de le chanter.

Et voilà et voilà, la nuit venue, la mère avait cédé sa propre chambre — enfin, la pièce où il donnait, son Sroulik chéri —, et tiré un petit divan tout contre la porte pour surveiller et s’enquérir, à défaut de coucher. Car enfin, c’était la première fois qu’il allait dormir seul, son Sroulik, enfin pas avec elle, ach, min oïtseur ! ma fils chéri !

Bon, venons-en à la fameuse semaine nuptiale, qui dure toujours chez les Juifs jusqu’au vendredi soir, et le chabbat vayinafash — ça veut dire qu’il faut savoir lever le pied —, et c’est heureux pour le mari qui, s’il est un bon Juif pointilleux sur le devoir conjugal, les tribus d’Israël et les blancs ruisseaux de Canaan, a bien besoin d’étendre ses jambes tout du long sous les draps et tant pis pour le rabbin du samedi qui s’étonnera de son absence à la tribune, à la tebah. Déjà la mère a acheté le poisson de bon présage — une belle carpe des familles pêchée à Marne-la-Vallée — que les nouveaux mariés devront manger pour Chabbat afin de réaliser la prédiction d’Abraham…, une descendance comme les sables du désert, comme les étoiles dans la nuit : kakohabim balaïla, kakohabim balaïla… Que de fois le fils a chanté le samedi soir cette prière de la Havdala ! — clôture du jour de repos — en contemplant les flammes réunies de la bougie tressée, en reniflant le clou de girofle, bénissant odeur et lumière et promettant bonne semaine — chavoua tov… Mais comme il ne faut pas mettre la charrie avant les bofs, voyons d’abord ce qu’il en est du soc, du sillon et de la terre labourée.

La première nuit, l’oreille de la mame n’a rien perçu, ou plutôt, dans les dix minutes qui ont suivi la fermeture de l’alcôve, de formidables ronflements, car la bossue avait assurément une authentique forge dans la poitrine.

— Ach !... ça ne fait pas ine offre, fait la boutiquière de mère pour tout commentaire.

Le lendemain, elle découvre l’ampleur du sommeil, un méga, un dégât sommeil, un sommet des sommeils, car derrière la porte qu’elle a entrouverte, elle a bien vu la Rébecca et son Sroulik, deux anges en béat assoupissement, affalés chacun dans un coin du lit, et tous les soufflets pulmonaires en action, et que je te ronfle, et que je te vocifère, et que je te tonitrue. Un duo tubard de tubas.

Dans la journée, entre deux mètres de ruban débité, dépitée, elle s’arrange pour conseiller son fils :

— Min oïtseur, tyas pas vi les chiens ? lui lance-t-elle abruptement, d’une voix haletante et d’un geste saccadé.

C’est tout à la fois elliptique et suggestif, du moins le croit-elle. Le lendemain, au milieu des tartines beurrées du bon côté, comme le prescrivent les rabbins, le côté qui ne va pas coller au sol si la tartine chute, la belle-fille, interrogée, lève les yeux au ciel et débite tout à trac :

— Votre Sroulik, il a passé la nuit à me renifler le derrière et à lever la patte sur l’armoire à glace, qu’elle est toute mouillée de pipi.

— Ach ! fait la yiddishe mame, c’est ine première offre.

Néanmoins, dans la journée, elle renouvelle ses conseils éclairants à sa fils chéri :

— Min oïtseur, tyas pas vi la chèvre et le bouc, lui lance-t-elle d’un air entendu, comme ils se frottent la corne ?

Et le lendemain, allant aux nouvelles, la mère voit la chère Rébecca renverser tout le pot de confiture d’un geste maladroit, et flanquer sans le vouloir toutes ses tartines mal beurrées sur le balatum.

— Et quoi, et quoi ? interroge-t-elle.

— Et quoi ? Votre Sroulik, il a passé la nuit à me bourrer le derrière avec ses coups de tête ! Et il mettait ses doigts crochus en avant, même qu’il m’en a fait des bleus !

— Ach ! fait la mère, ist goût, c’est ine première offre. Et pis comme on dit à Lodz kessé ine ville de sagesse : chaque montée — barg arof — a sa descente — barg arop.

D’où ce conseil imaginatif de la mère :

— Ma fils chéri, tyas pas vi les lapins kom ils font ? dit-elle d’un geste de la main encore plus suggestif et saccadé.

Et c’est vrai que son fils a l’esprit observateur, car le lendemain la belle-fille explose :

— Voyez, mame, comme il m’a mis la bosse, et à force de me grimper sur le dos il a déchiré ma belle chemise de nuit du trousseau !

— Sehr gooouuut ! fait la mère en lui tapotant la bosse, pour ine première offre, c’est ine offre de première. Et pis, le bon cheval — douce guitè — rien qu’il reçoit des coups — ferde chlogte meine.

On s’adresse ici à ceux pour qui le bonheur est dans le yiddishpré, et pas pour faire du tort à la lande française.

Néanmoins, la vieille Golda doit changer de tactique, car, n’est-ce pas ? on ne fait pas d’omelette sans casser chez eux, ni d’enfants avec des mots. Alors, se tournant cette fois vers sa belle-fille, en laissant Sroulik dérouler seul les rubans dans la boutique, elle lui dit :

— Rébecca, ma fille qu’elle est belle, et qu’elle est ine limière, limière de l’œil, vous avez déjà vi le boulanger ?

Pour la clairvoyante yiddishe mame, il est évident que tout est affaire de vue, de vie, de visée, de vision, voire de télévision. Et comme l’autre ouvre grands ses yeux de l’air le plus parfaitement ahuri, elle précise l’image :

— Chère Rébecca, vous pétrissez à deux mains la pâte que mon Sroulik il a entre les jambes, et vous y mettez l’huile de coude, compru ? jusqu’à lever une bonne baguette, une belle banette (comme on dit), après quoi, y’a plus qu’à glisser à four chaud, et comme l’autre écarquille les yeux : çuilà de four que vous avez entre les kisses, Rébecca chère. Si, si, les kisses, fait-elle et la belle bru semble comprendre, en branlant du chef.

Et voilà qu’au lendemain, la mère découvre avec satisfaction les larges yeux cernés de ses enfants.

— Alors, alors ? s’empresse-t-elle auprès de la belle- fille.

— J’ai tout fait comme vous avez dit, chère mame, mais ensuite votre fils il a passé la nuit à me taper fort sur le derrière pour faire retomber le gros bout de pain qui est resté au fond du four !!!...

— Ach so ! fait alors la mère, c’est plis qu’ine première offre, ça, c’est ine offrande. Et pis que l’amour elle est douce — die liebe ise ziss… mit broïte — avec du pain !

Et elle conclut en posant ses mains sur le double front de ses enfants :

— J’ai bien vi que vous êtes faits Lent pour Loth. Quel joli couple. Dieu vous pétrisse et vous bénisse !

Le lendemain elle part vite fait allumer une veilleuse à la synagogue Notre-Dame de Nazareth en invoquant le prophète Élie-Élie, et elle chantonne joyeusement :

— Lüi-Lüi-Eliakou hanavi, d’une voix fêlée de grand-mère.

Puis de retour, derrière sa caisse encombrée de ruban et de fil, en attendant le client, passent les jours et passent les semaines, Golda de Lodz tricote sa layette !

Irruption des joyeuses commères de la noce :

— Alors, Tsipora, qu’est-ce qu’elle a rapporté sa bosse à Sroulik, que tyas même pas dit comment il s’appelle du côté de son père.

— Nusimovitch, ma chère Sultana.

— Mais c’est un Russe, alors ?

— Non, un Polonais VDQS, car son papa était Boris Nusimovitch, CQFD. C’était un cinéaste de la grande école de Lodz, même qu’il avait travaillé dans les années 70 avec Andrzej Wajda, sur le film “ La Terre de la grande promesse ”. Wajda et Boris s’étaient rencontrés dans les égouts de Varsovie, le fameux Kanal, où s’organisait la Résistance contre les nazis.

— Tout ça tu sais, toi, Tsipora !... Mais alors comment ils se sont connus avec Golda ?

— Il faut que tu saches, ma bonne Sultana, que cette Golda, que sa mère avait, sur les conseils du Rebbe, envoyée à Lodz, capitale du textile et des tailleurs jifs, pour que le clan yiddish lui trouve un mari, alors qu’elle avait trente ans passés, c’était une jeune fille qu’elle était belle et pure, et pas mal coincée…

— C’était une laissée-pour-compte, ta Golda ? Alors là je comprends… Comme disait ma pauvre mère, sur les terres de Nédromah : Hachmet edjaja tkabel esserdouk !

— Qu’est-ce que tu me chantes là en bougnoul ? Tu sais bien que pour moi l’arabe c’est pas de l’hébreu mais du chinois, et que j’y comprends rien !

— Ça veut dire, ô marieuse ignare, ô tchatchène (c’était sa façon de prononcer) ignorante, ô naïve entremetteuse, que la poule a eu honte de rencontrer le coq… Tu sais, ces filles qui font les mijaurées, les minaudières, les maniérées, et celui-là non, et celui-ci l’est pas assez beau pour moi, bref des “ caca dans les papiers ”, eh bien ! on les retrouve au bal du kahal collées au mur et on dit qu’elles font pâtisserie… Voilà, notre Golda, elle avait trop attendu et sa mère, la Rouchele, s’est désespérée quand elle a dépassé la trentaine. Tu comprends du même coup qu’elle ait été pressée de marier son lourdaud de fifils… Bon, mais revenons à tes Nusimovitch…

— Je reviens à mon mouton… Le Boris il avait plus de vingt ans que la Golda, et en plus il n’a pas duré, le pauvre… C’est à peine s’il a élevé son fils, le Sroulik. Alors la Golda il a bien fallu qu’elle retourne chez son père avec le petit qui avait cinq ans. Ah là là, le drame, l’année suivante c’est le père de Golda qui mourait. Courageuse avec ça la Golda, elle a tenu l’affaire et a su y faire en plus avec tous ces Pieds-noirs et ces espèces de Tunes. Alors, le Sroulik c’est un peu devenu l’enfant du clan lorsque la Rouchele, une brave femme, est morte à son tour deux années plus tard. Tu vois, ça en fait, des plus…

— Justement à propos de plus… et la dot de la bossue dans tout ça ?

— Le père de Rébecca a donné 2 % sur la vente du raifort qu’il a sur le territoire de France et de Navarre.

— Et ça fait beaucoup, tout ça… ?

— Bon, à toi on peut rien te cacher et, si tu veux tout savoir sur les tractations de la ketouba ! j’ai fait rajouter dans la corbeille et le panier fleuri de la mariée 3 % sur le gefiltefish, plus 1 % sur l’importation du bortsch et 0,5 % sur le paprika.

— Comme disait encore maman au village, la laide à faire peur, heureusement qu’elle a un riche papa… C’est délicat de la part du père de la mariée… de la marier… Mais il fait quoi, au juste, ce géniteur… c’est un traiteur ?

— Natürlich, Rébecca c’est la fille de Moïshelé Waintrater, pas moins, celui qui est à la tête de la chaîne européenne des Delicatessen.

— Ah ! ben dis donc, alors, cette Rébecca c’est une fille délicate et saine… Mais toi là-dedans, ô tchat-chène qui a l’œil, qu’est-ce qui te revient ?

— Tu veux parler de mes émoluments ?

— Qué émoluments ni qué monuments, usufruitière de malheur ! Dis-moi seulement combien tu as reçu de la main de la mariée à la main de la marieuse.

— Le père traiteur il m’a remis un bon d’achat valable dans tous les Delicatessen de France : du foie gras cacher pour toute l’année.

— Et comme pourboire ?

— Un jéroboam de Mouton-Rothschild et six fillettes de Château-Golan, et du meilleur cru !

Mais refermons l’encrier, car ces joyeuses commères, la tchachène et la tchatcheuse, qui pourrait les arrêter ?

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