Nirvanah
Nirvanah, adolescente, débarque de façon inattendue chez Clémence, sa grand-mère. Commencent les séances de "parle-moi". Parfois Clémence raconte le passé, parfois elle s’interroge sur l’avenir. Nirvanah pose des questions, s’en va, revient, cherche à comprendre. Passent quelques après-midis, des guerres, la paix, l’écriture, le merveilleux de la vérité quand elle est transmise par le cœur. ISBN. 9782862312507 octobre 2016, 134 p. 16 euros
Yvonne Baby est un écrivain reconnu (Oui, l’espoir, Prix Interallié), auteur de huit romans et de 15 hommes splendides, un recueil d’entretiens avec des créateurs prestigieux. Elle a été de 1971 à 1990, la première femme chef du service « Culture » qu’elle a créé au journal le Monde. Nirvanah est son neuvième roman.
Extrait
Nirvanah a quinze ans, ou plus, dirait-elle, un âge qui peut bouger selon les jours, les heures, les partages, les épreuves, les joies, les absences. Cet âge à variations est un âge d’exception, dira Clémence à sa petite-fille Nirvanah, un âge entre l’enfance et l’adolescence, qu’elle-même n’aura pas connu puisque l’exception, pour ses années à elle, c’était avant. « Avant quoi ? » demande Nirvanah, « Avant la guerre », répond Clémence. Là, Nirvanah va insister pour que Clémence lui parle de la guerre — quelle chance d’avoir une grand-mère plus forte que les livres. « Rien ne pourra remplacer les livres », a protesté Clémence, tous ces livres que Nirvanah lira et découvrira au cours de la vie. Déjà, Nirvanah ne pense plus à ce qu’elle vient de dire, c’est la beauté de son âge, les paroles qui s’enfuient comme les nuages, avec le vent. Ce sera elle, Clémence, qui va s’interroger : comment saura-t-elle répondre aux questions de sa petite-fille, et aux questions qu’elle continue à se poser. Mais ce comment recouvre peut-être une aventure dont Nirvanah détient les clés, et le secret.
Nirvanah va se dessiner un après-midi. Je passe en courant, a-t-elle dit, et elle s’installe à la table du salon, sous la lampe. Elle dessine à toute allure avec un feutre rouge, puis elle appelle Clémence et lui dit : « Regarde, je suis 8 : N° 1, j’ouvre les bras, étonnée de me retrouver sur cette page blanche. N° 2, je ferme les poings pour montrer que je suis résolue. N° 3, j’esquisse un pas de danse et j’écarte les jambes, j’incline la tête pour obtenir une meilleure position, N° 4, je rêve les bras au ciel, j’ai des manches et un pantalon bouffant, je veux grandir et j’occupe toute la place, contente. N° 5, ma robe et mes cheveux sont longs, je me vois élégante mais j’ignore si je présente une soirée ou si, à cette soirée, je suis une simple invitée. N° 6, en mini-jupe, je suis pareille à mes amies et je ne suis pas très belle, pourtant, je voudrais plaire, mais à qui ? Mystère. N° 7, je porte une robe longue, plus décorée, et je crois que je chante une mélodie. N° 8, mon corps n’est plus qu’un triangle et je suis vraiment laide, je n’ai plus confiance en moi, j’ai peur. » Puis Nirvanah s’est tue, et Clémence se tait aussi, quand soudain, Nirvanah reprend les pages qu’elle semblait délaisser. Elle dispose autour de ses dessins une foule d’étoiles collantes en papier argenté et en papier doré, qu’elle a découvertes dans un carnet de Clémence. Des étoiles de jour pour des rêves de jour, ce sera plus joyeux, dit-elle, avant de s’en aller et d’ajouter : « À tout de suite », pendant que sa grand-mère glisse les dessins dans un dossier transparent pour les regarder encore. Et encore.
En savoir plus...
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Daily Passion (Genève) parle aussi de Nirvanah en évoquant Flaubert :
http://www.daily-passions.com/nirvanah