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Genovese, Andrea

Dans l'Utérus du volcan

Vanni, écrivain italien résident en France, revient dans sa Sicile natale avec sa femme lyonnaise pour recevoir un Prix de poésie chrétienne richement doté et décerné par un ponte de la Mafia. Sous l’influence de l’Etna toujours prêt à s’enflammer, l’apparition de la pulpeuse Lilina va provoquer l’éruption des sens du poète et mettre à mal l’équilibre du couple. Dans une ambiance de polar, qui peut faire penser à l’écrivain sicilien Leonardo Sciascia, l’auteur nous entraîne, sous la violence d’un été torride, des Îles Éoliennes à l’Etna, dans l’agonie d’un monde refermé sur lui-même. Nostalgie, sensualité effrénée, mythologie, l’écriture éclate comme une éruption volcanique.

Écrivain italien, Andrea Genovese (né en 1937 à Messine en Sicile), vit en France depuis 1981. Il définit sa vie comme une Odyssée minime (titre de son premier recueil de poèmes), mais trois romans autobiographiques publiés en Italie nous en révèlent, de 1945 à 1960, à peine une partie. Poète, romancier, dramaturge, critique littéraire, d’art et de théâtre, il édite Belvédère, un webzine on line entièrement écrite par lui, hors norme et sans tabous. En français il a écrit des recueils de poèmes et des textes de théâtre joués à Lyon. Dans l’Utérus du volcan est son premier roman écrit directement en français.

Extrait

Extrait 1 : Vanni

Un immense tapis de coquelicots se présenta inattendu, courant à perte de vue vers l’horizon haché par un ravin. Ses yeux avaient suivi comme dans une séquence cinématographique la palette de couleur fauve, presque au ras du sol, et c’est seulement quand son regard trouva la fracture du ravin qu’il reçut le choc de la masse gigantesque, pyramidale et absurde de l’Etna. Le volcan était si imposant, si nettement scandé et si minutieusement inscrit dans l’azur du ciel, avec son cratère central voilé de nuages, que Vanni ne comprenait pas comment il s’était imprimé en dernier dans sa rétine. C’était grandiose et écœurant. Effrayant, d’une certaine façon. 

Il le voyait comme un dieu descendu sur terre. Planté sur sa vaste base de lave, en juge, en justicier. En despote. Superbe, méprisant. Refusant toute identification, toute réduction à une échelle humaine. Pas de compromis, pas de ridicules comparaisons. Je suis et je demeure, au-delà de ton regard de petite fourmi, disait le volcan. Et cependant...

Être fils de l’Etna, c’était monstrueux, c’était outrancier. Même pour un Sicilien, qui avait une conception cyclopéenne de la vie et portait en dot dès sa naissance la damnation d’un œil unique, démesuré et terrifiant comme un cratère. De là, de ce vagin de l’absurde, venait la pâte qui l’avait pétri, modelé et projeté dans la fiction théâtrale qu’était sa vie. Il était fils de l’Etna, donc il ne pouvait en aucune manière se soustraire à cette contrainte existentielle. C’est pourquoi, il ne pouvait pas se soustraire non plus à la rancune ancestrale qui l’incitait à s’affronter aux dieux. Tout Sicilien naît en état de guerre.

 

Extrait 2 : Louise

—   C'est vraiment comme je l'imaginais, la Sicile.

L'haleine de Louise lui chatouilla l'oreille. Il sentit sur son dos la pression des seins, libres sous la chemise de nuit. Elle s'était levée sur la pointe des pieds et regardait l'agitation de la rue. Il aurait voulu se lancer dans une explication critique sur le caractère un peu fossile de la scène, sur cette présence presque irréelle d'un aiguiseur à une époque où, même en Sicile, les ménagères achetaient leurs couteaux par série de trente-six au supermarché, ou éventuellement sur la provenance des poissons, arrivés peut-être par avion, de Bretagne ou du Canada, on ne sait jamais. Mais il y renonça aussitôt et se retira dans la chambre, en laissant retomber les rideaux de la fenêtre.

Louise se raidit, contrariée. Elle déplaça à nouveau les rideaux et s'étira. Ses seins pointèrent sous la chemise. Elle était bien cadrée par la fenêtre et, la voyant, l'aiguiseur arrêta sa machine, pour lui faire un grand geste de la main. Les trois femmes aussi levèrent la tête pour regarder vers la fenêtre. La vieille ne tarda pas à hurler son commentaire : 

—   Fimmini piddùti, malanova chi-mm'aviti !  

—   Qu'est-ce qu'elle a dit la vieille ? demanda Louise. Vanni la regarda de travers. Il venait de se rendre compte du petit émoi que la présence de Louise à la fenêtre avait provoqué dans la rue.

—   La vieille a pris l'hôtel pour un bordel, répondit-il froidement.

Louise se mit à rire, regarda avec mépris dans la rue, et laissa glisser à ses pieds la chemise de nuit, se contorsionnant comme une odalisque. Cette fois, les pêcheurs aussi regardèrent vers l'hôtel, en gesticulant entre eux comme deux marionnettes excitées. Vanni prit Louise par les épaules et la poussa brusquement sur le lit, puis referma la fenêtre.

 

Extrait 3 : Lilina

Les détails de la scène atroce de la matinée s’étaient estompés comme ceux d’un cauchemar invraisemblable. Son inconscient se refusait obstinément à se laisser gâcher la journée par les brutalités de Bummulicchiu et de ses compères. Elle avait déjà le souci du comportement volatile de Lorenzo, pour penser à cette autre source éventuelle d’ennuis. « Je devais être vraiment saoule hier soir, se dit-elle, pour aller dormir à Mutandona ».

Pour l’instant, elle avait le feu aux fesses. Et ce n’était pas seulement la chaleur du siège. Tous ses pores papillotaient. Elle savait bien ce que son corps réclamait depuis une semaine, et dont elle avait été dépossédée traîtreusement par son amant. La rage l’emporta, et ses mains se raidirent sur le volant. Jamais l’idée de cocufier Lorenzo ne lui avait traversé l’esprit. C’était une chose simplement inconcevable, dangereuse, et après tout jusque là non désirée. Mais cette manière cavalière avec laquelle il l’avait liquidée à la cérémonie de remise du prix lui parut éloquente, c’était tout à fait dans le style de Lorenzo. Si ce n’était pas un adieu, cela lui ressemblait beaucoup. Ne lui avait-il pas fait comprendre qu’elle pouvait coucher avec le poète, sans crainte ? « Ce que tu veux » avait-il dit. Il l’avait donc licenciée. 

Elle revit les yeux du Grand Prix , étincelants sous les lunettes, braqués sur ses seins. Non, il avait l’air d’un putanier je m’en-foutiste, le poète. Il avait empoché le chèque de dix millions avec une indifférence olympienne, tandis qu’il la détaillait avec une catholique ferveur religieuse. Non, elle ne comprenait rien et il était parfaitement inutile de supputer quoi que ce soit.

 

 

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Terres de femmes

la revue de poésie & de critique d’Angèle Paoli

14e année ? n° 158 - janvier 2018 | TdF 05 janvier 2018

Andrea Genovese, Dans l’utérus du volcan par Angèle Paoli

Renouer avec l’île des origines n’est pas une mince affaire. Pour Vanni, émigré sicilien, le retour à Messine, sa ville natale, semble, même si c’est pour quelques jours, une épreuve qui l’entraîne, par-delà ses forces, dans un univers qu’il croyait ne plus jamais être sien. Revenir sur ses pas, sur les lieux de l’enfance, n’est pas aventure innocente, surtout si la terre originelle a quelque chose à voir avec le volcan. Car c’est lui, le volcan, ce «  monstre »  hostile, « sphinx indécryptable », qui draine depuis toujours les affects des enfants issus de ses entrailles.

Le volcan, c’est l’Etna millénaire. Le Mongibel des Arabes. « Masse pyramidale et absurde » qui souffle à Vanni un refrain oublié dans les replis de sa mémoire : Di Muncibeddru figghi semu (« Nous sommes fils de Mongibel »). L’Etna, c’est cet utérus gigantesque qui éjecte au cours de ses éruptions tous ceux qui sont nés de ses mythes et qui s’en repaissent. Ou qui, au contraire, s’évertuent à s’en défaire, à trancher net les tentacules. Violences incontrôlées, passions poussées jusqu’à l’extrême, Éros et Thanatos fusionnant dans ses laves. Nul ne ressort indemne des coulées qu’il vomit hors de son effroyable vulve.

Ainsi autour de Vanni, débarquant avec Louise, sa jolie épouse, Lyonnaise élégante raisonnable et quelque peu « frigide » — un reproche que lui adresse son mari —, se met en place toute une série d’actes et de rencontres. Lesquels se fomentent et se forgent dans le roman de l’écrivain et poète sicilien Andrea Genovese : Dans l’utérus du volcan. L’action première se noue à partir de Vanni, lauréat du Grand Prix de poésie chrétienne Gaetano Ferrella et invité d’honneur de la cérémonie qui va se dérouler dans les ruines majestueuses du théâtre gréco-romain des alentours.

D’origine messinoise et vivant lui aussi . Lyon, Andrea Genovese signe là son premier roman écrit directement en langue française et enlève avec lui son lecteur médusé d’être d’emblée embarqué en plein coeur du violent et puissant engrenage de la cosca, le clan mafieux.

pour lire la suite :

http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2018/01/andrea-genovese-dans-lut%C3%A9rus-du-volcan-par-ang%C3%A8le-paoli.html

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