Panier: 0

Renata Ada-Ruata

Elle voulait voir la mer...

Une famille ouvrière italienne dans la banlieue parisienne. Le père est maçon. La mère rêve d’un meilleur sort pour ses enfants. Elle parvient à faire entrer Renata au lycée. Ensuite pas d’autre orientation que le « technique ». Elle effectue un travail de bureau dans une grande « boîte » alors que ne cessera de l’habiter le désir de parvenir à la culture et de se réaliser.

Arrive Mai 68. Le père, à qui elle était fort attachée, meurt, sans avoir concrétisé son ambition de construire une maison pour la famille. Au lieu de faire le riche mariage rêvé par la mère, Renata s’éprend d’un ouvrier. Elle vit avec lui et l’épouse, ils sont tous deux portés par la vague d’espoir en une vie nouvelle. Quand la vague retombe, ils se sentent « les dindons de la farce ».

Renata a approché un milieu bourgeois par son frère, richement marié. Elle en voit les côtés rebutants  au regard de son idéal. Le groupe des camarades de Mai 68 s’est dissous. Rien à espérer de ce côté-là non plus. Son entrée en faculté lui apportera-t-elle la solution ?

Fille de maçon italien, Renata Ada-Ruata a émigré en France avec sa famille en 1951. Elle a passé son bac à Paris et après la mort de son père a travaillé plusieurs années  comme secrétaire avant d’enseigner.  Elle voulait voir la mer... est son premier roman publié en 1985 (Prix populiste 1986) aux éditions Maurice Nadeau, suivi en 1987 de Les étoiles à nouveau. Par la suite, l’auteur a publié chez différents éditeurs, romans, poèmes et témoignages. Elle dessine et peint aussi.

Extrait

Extrait 1

« Après avoir été une gamine turbulente, une vraie sorcière comme disait ma mère, j’étais devenue vers dix ans un modèle de calme et d’application à l’étude. Tournée vers mes livres qui représentaient vaguement d’abord, intensément ensuite, la seule possibilité de m’en sortir, de sortir de moi fille de mon père. Il est mort, j’avais dix-neuf ans et à Paris on faisait la Révolution. Quand de ma banlieue j’allais à la Salpêtrière, je voyais des types en noir, avec des casques et des boucliers barrer les ponts. Les agités de la Rive Gauche ne devaient pas atteindre la Rive Droite. J’étais surprise, pas trop, c’était très bien, il se passait quelque chose de grave aussi pour les autres, tous les autres. Moi, j’étais seule. Le soir dans mon lit, dans le silence de la maison, j’entendais au loin des explosions. J’avais un peu peur, mais je trouvais cela normal que ça éclate. J’avais l’impression que quelque chose de terrible planait, tout et rien. C’était logique d’avoir peur et de pleurer et enfin fatiguée de dormir un peu.  Depuis ce jour du mois de mai 68, j’ai voulu réparer ma Faute. Je ne savais pas trop ce qu’elle était au juste mais j’étais sûre qu’il fallait que je fasse des choses, des tas de choses... »

 

Extrait 2 

« C’était la Révolution. Plus jamais rien ne serait comme avant. Les murs de Paris se couvraient de slogans  "Cours  Camarade, le vieux monde est derrière toi !" Les ponts de la Seine étaient barrés par des C.R.S. habillés de noir, matraque à la ceinture, bouclier au poing. À la Sorbonne toutes les heures il se passait quelque chose. Sartre parlait dans le théâtre de l’Odéon. André était assis dans un fauteuil d’orchestre. II écoutait, il regardait, il pensait. Il lisait aussi et, petit à petit, toujours plus chaque jour, il discutait avec ceux qui l’entouraient. Souvent il ne rentrait pas dormir chez lui. Chaque soir des centaines d’hommes et de femmes ne rentraient plus dormir chez eux. Lorsqu’il revenait, il allait au comité. Il racontait la lutte, les slogans, les discours. Plusieurs fois, avec les camarades, devant le Monoprix, il était allé parler de ce qui se passait, il appelait le peuple de son quartier à se réveiller lui aussi. Il leur parlait de son histoire : son ignorance, Marx, la Révolution et maintenant cet autre quartier en action là-bas de l’autre côté de la Seine. Sa mère allait l’écouter avec une inquiétude mêlée d’admiration. Émue, elle se souvenait de 36, les piquets de grève, les premiers congés payés, Léon Blum. Et puis l’été est venu, la flamme s’est éteinte, le sable s’est à nouveau retrouvé sous les pavés et Paris est parti à la plage. André aussi, comme tout le monde, est parti ailleurs, mais quelque chose avait été réveillé en lui qui, jamais plus, ne pourrait s’endormir. Jamais plus, il ne pourrait aller à l’usine comme avant, se taire, accepter l’exploitation, l’injustice, le travail jusqu’à l’usure de la retraite qu’on ne touche jamais. On meurt avant. »

 

Retour

€ 18.00