Balle perdue
En librairie le 22 mars 2024
Un jeune prévenu mutique d’origine hispanique, Pascual Lozano, comparaît en 2001 devant un tribunal de Las Vegas, accusé d’avoir tué une fillette d’une balle perdue. Qui est-il, que s’est-il réellement passé ce jour-là et que sait-on de ce qui a guidé cette balle perdue sur son trajet ? Que sait-on des désirs secrets, inavoués et inavouables d’une balle avant qu’elle ne se perde à jamais, et que savons-nous de nos culpabilités enfouies ? Et qu’est-ce qu’une vie humaine, finalement, d’autre qu’une balle perdue, et perdue avant même d’avoir été tirée ? Nane Beauregard explore avec une finesse impressionnante cette histoire tragique, en catapultant les notions de coupable et de victime. Ne restent que les héros, qui ne se trouvent jamais véritablement là où on les attend.
Nane Beauregard est écrivaine et psychanalyste. Elle a publié cinq romans dont J’aime chez Pol, L’amour, simplement chez Joelle Losfeld et La fissure chez Ramsay. Elle écrit aussi des nouvelles, fait des photos et des textes à partir de ces photos, collabore à des revues d’art contemporain et écrit des scénarios. Balle perdue est son sixième roman. « Le rythme est le sens profond d’un texte » a écrit Henry Meschonnic, cette phrase pourrait résumer à elle seule tout son travail d’écriture. EIAN 9782862315447 Coll. À Vif, 160 p. 19 €
Extrait
« Et qui n’est pas mort d’une balle perdue réelle ou imaginaire, qui n’a pas un enfant mort au fond de lui, et qui n’en est pas un lui-même, et qui n’a pas été lâche, qui n’a pas eu l’espoir d’un rachat, d’une rédemption, et qui n’a pas mis sa vie en danger pour y parvenir ?
Qui n’a pas, en lui, quelque chose à quoi il aspire, quelque chose de mystérieux qui le dépasse, de plus beau, de plus grand, de plus impérieux, de plus urgent, de plus exigeant que soi ? ».
« Il s’était agi pour moi, au tout début de ma rencontre avec Pascual Lozano, de mener une enquête pour parvenir à mettre des mots et comprendre qui était ce jeune homme énigmatique qui cachait un terrible drame derrière ce visage de sphynx qui m’intriguait et semblait m’appeler.
Ce jeune homme accusé, et si jeune accusé, d’avoir tué un enfant, un enfant comme il en était encore un lui-même, une petite fille, une fillette fluette qui n’aimait rien tant que rire, bavarder, s’amuser, jouer et danser avec les étoiles et qui a fini sa vie dans le rouge de son sang.
Ce jeune homme qui nous maintenait tous, pendus à ses lèvres, à broder autour de sa bouche cousue, et silencieux, d’un silence si profond et si impérieux qu’il occupait tout de lui, un silence venu de loin et de longtemps, comme un livre qu’on n’a jamais ouvert, dont les pages gondolent d’humidité et de chagrin, et aussi vaste, ample et dépeuplé qu’un terrain vague, de ceux battus par le vent et la poussière, que traversait James Aleman, l’enquêteur dans l’espoir d’y trouver âme qui vive.
Ce jeune homme obstiné, buté, qui ne disait rien si ce n’est qu’il était innocent et qui n’en démordait pas, même au risque de finir sa vie, sa courte vie qui, pour lui, ne valait rien ou pas grand-chose, sur une chaise électrique, et prêt à faire l’offrande de sa vie pour une bande de vauriens pour qui il n’était personne. » Nane Beauregard
En savoir plus...
Noé Gaillard dans Daily Passions: https://www.daily-passions.com/balle-perdue
"Une petite fille est morte, victime d’une balle perdue, et l’on juge celui qui est accusé d’avoir tiré, un jeune hispanique mutique, nous sommes à Las Vegas. Une date vous est donnée mais l’histoire semble tellement intemporelle qu’elle importe peu. Et l’auteure dont vous avez repéré en quatrième de couverture qu’elle est écrivaine et psychanalyste, analyse le procès, ses acteurs et ce qui a amené tout le monde là. Et elle le fait humainement et intellectuellement sur un ton faussement clinique de médecin légiste. Elle mêle sa culture, ses références à sa lecture exactement comme nous, mais elle oublie de se satisfaire de ses premières impressions et devient ‘agaçante’ à force d’aller le plus loin possible. Vous avez compris c’est un agacement salutaire qui nous saisit, nous demandant de nous arrêter pour réfléchir à ce qu’on lit au lieu de se contenter du plaisir à lire. Et l’auteure vous a même aménagé des chapitres très courts, des aires de réflexion. Nécessaires car l’exercice n’est, à mon avis, pas de tout repos. Il me semble que le titre de la collection ‘à vif’ est ici pleinement respecté. L’auteure transforme le ‘sensationnel’ médiatique de l’histoire et du procès en répertoire de sensations humaines."
Extrait d'un entretient de Dan Burcea avec l'auteure Nane Beauregard pour Lettres Capitales:
"Vous faites une très attentive analyse sémantique du syntagme balle perdue que porte comme titre votre ouvrage. Avec la même maîtrise d’aller au plus profond des choses, vous arrivez à la très suggestive image contenue dans cette phrase : « Et qu’est-ce qu’une vie humaine, finalement, qu’est-ce d’autre, sinon une balle perdue ». J’aimerais avoir de votre part une réponse la plus ample possible, car j’estime qu’elle resonne si profondément dans l’imaginaire de chaque lecteur
- La vie est à mon sens une sorte de balle perdue. On ne sait pas d’où l’on vient et pourquoi on naît et rien de notre itinéraire à l’avance, on fait ce qu’on peut, on avance jusqu’à un point final qui ne sera jamais ni celui qu’on voulait ni celui qu’on espérait et imaginait et pour des raisons qu’on ignore. Les intentions de nos géniteurs sont presque toujours déçues, il y a en eux d’autres espoirs, d’autres attentes, d’autres missions que celles déclarées officiellement comme celles par exemple de remplacer leurs morts par exemple…" Nane Beauregard https://lettrescapitales.com/interview-nane-beauregard-la-vie-est-a-mon-sens-une-sorte-de-balle-perdue/
"Balle perdue, la souffrance à vif", par Alexandra Schwartzbrod dans Libération: 24 Mai 2024
"Adeptes du « true crime », cette littérature noire du réel qui conquiert de plus en plus de lecteurs et de lectrices, cet incroyable livre est pour vous. Son autrice n'est pas coutumière du noir mais elle aime les défis et les découvertes. Pourquoi raconter ce procès vieux de plus de vingt ans, dont personne ou presque n'a gardé le souvenir ? Et pourquoi s'en emparer ainsi, de façon si subjective et littéraire ?
- J'ai écrit "Balle perdue" après avoir vu une série documentaire sur Arte il y a quelques années intitulé '' Justice à Vegas. Je n'ai donc rien inventé, même et surtout pas les noms propres des personnes qui me sont arrivés comme des cadeaux du ciel, nous a confié Nane Beauregard. Mais j'ai tout inventé à partir de ce que ne disait pas le documentaire qui se contentait de montrer sans parti pris le déroulement du procès et ses à-côtés, en me faufilant dans les interstices qu'il laissait '' en blanc et que j'ai investis avec passion. Plus je pétrissais la pâte de la langue aussi bien française qu'espagnole, plus tout ça s'emboîtait, se répondait, correspondait, presque miraculeusement, exactement comme dans une fiction.» Un livre d'une grande puissance noire et poétique" Nane Beauregard. https://www.liberation.fr/culture/livres/balle-perdue-la-souffrance-a-vif-20240523_CGJG273HKZAHJHUDMNFMUCGYTA/
À propos de la soirée de lecture musicale sur fond de Balle perdue à la médiathèque Mortagne-au-Perche: un article de Julie Morcellet dans Actu.fr: https://actu.fr/normandie/mortagne-au-perche_61293/lecture-musicale-sur-fond-de-balle-perdue-a-la-mediatheque-de-mortagne-au-perche_61329818.html
Dans La Cause littéraire, Catherine Dutigny écrit un article à propos de Balle perdue: http://www.lacauselitteraire.fr/balle-perdue-nane-beauregard-par-catherine-dutigny
"Nane Beauregard s’est immergée dans ce fait divers et a sans doute passé des heures, des journées, des nuits entières à visionner, revoir et revoir encore ce documentaire de 52 minutes pour « parvenir à mettre des mots et comprendre qui était ce jeune homme énigmatique qui cachait un terrible drame derrière ce visage de sphynx qui m’intriguait et semblait m’appeler ». La curiosité et l’interrogation se transforment peu à peu en compassion face à ce jeune homme latino-américain, mutique, qui a refusé la perche tendue par le procureur qui lui proposait de plaider coupable dans l’espoir de voir sa peine réduite dans le meilleur des cas à une quarantaine d’années d’emprisonnement."
Laurant Greusard rédige une chronique dans K-libre: https://www.k-libre.fr/klibre-ve/index.php?page=chroniques_GF&pageNo=8
"Expression toute faite, Balle perdue pose cependant son lot de questions. En effet, lorsque quelqu'un meurt, par hasard, d'une balle perdue, la balle est-elle réellement perdue si elle touche et même tue quelqu'un d'autre ? C'est la question qui se pose parfois en entendant tel ou tel faits divers. Du moins, c'est l'interrogation qui s'est glissée dans la tête de Nane Beauregard, à partir d'une aventure malheureuse arrivée aux États-Unis. Nane Beauregard nous propose un roman qui se concentre non pas sur l'affaire en elle-même, mais sur le procès avec ses dits et non-dits, ses variations autour de la vérité. Balle perdue se focalise sur l'idée d'une balle perdue, de l'innocence des uns qui se font tuer sans comprendre et sur ceux qui ont tiré sans bien saisir pourquoi. L'exercice est intelligemment mené, même si cela l'éloigne du genre balisé et pourra surprendre ceux qui aiment les solutions et les réponses. À réserver pour les "aventuriers" borderline du genre. Qui est vraiment coupable ? Peut-on vivre quand on est d'une famille avec cette idée incessante de la balle perdue qui a touché votre fils ou votre fille qui passait par hasard ? Plongée dans les têtes, dans les idées confuses de ceux qui subsistent, dans une volonté de donner au style une part importante, le roman de la psychanalyste Nane Beauregard est une bonne évocation du problème, des enjeux moraux et psychologiques que tout cela peut soulever, sans jamais adopter un point de vue manichéen, juste en regardant les gens se débattre comme des insectes sous la loupe d'un savant biologiste"