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Duits, Charles

André Breton a-t-il dit passe (poche)

André Breton a-t-il dit passe

En librairie le 1er mars 2024

Publié pour la première fois en France en 1969, dans la collection des Lettres Nouvelles, Charles Duits nous offre un extraordinaire témoignage de sa rencontre avec André Breton, qui accueilli amicalement à New York, en 1942, ce tout jeune poète de 17 ans. Autour de lui, gravite une constellation surréaliste : la femme de Breton, Jacqueline Lamba, ainsi que Max Ernst, Duchamp, Masson, Tanguy, Man Ray, Matta. 

Annie Le Brun en dessine magnifiquement les enjeux dans sa préface, Attention, « Danger lumineux » !

Né à Neuilly en 1925, d’un père Hollandais et d’une mère américaine, Charles Duits part pour l’Amérique en 1940. Après sa rencontre avec André Breton, ce dernier va demeurer pour lui, durant vingt ans, en dépit de brouilles passagères et de longs silences, un guide et un initiateur. Il a publié de nombreux articles et ouvrages, dont Le Pays de l’éclairement. On découvre actuellement, longtemps après sa mort survenue en 1991, son œuvre de peintre demeurée méconnue.

Coll. Poche Nadeau, ISBN 978-2-86231-554-6  11,90 €

Extrait

 Extrait de la Préface d'Annie Le Brun : 

ATTENTION, « DANGER LUMINEUX » !

 "Non, ce livre n’est pas un témoignage de plus sur André Breton. Non, Charles Duits ne parle pas de Breton pour parler de lui. Ou plutôt si, mais c’est le prétexte pour tenter de dire ce qui les a emportés l’un et l’autre, l’un vers l’autre ou loin de l’autre, à la suite de leur improbable rencontre à New York au cours de l’année 1942.

Charles Duits va avoir dix-sept ans, Breton en a quarante-cinq, tous deux sont en exil mais tous deux sont habités par ce qui aggrave et conjure l’exil. Du plus profond de sa solitude adolescente, Duits voit la solitude de Breton, qui, de son côté, voit dans celle du jeune homme la source vive de la poésie et la solitude imprescriptible qui l’entoure. En naît un étrange vertige. « On dirait qu’on bat des cartes de miroir dans l’ombre ». J’ai toujours pensé que cette phrase-clef du poème que Breton écrit lors de l’été 1943, au moment où il est le plus proche de Duits, évoque l’intensité de ce qui se joue alors entre le jour et la nuit. C’est à cela que Duits nous fait assister et qu’on n’a jamais vu. Bien sûr, les mots en sont partie prenante mais à la condition d’être à la hauteur, c’est-à-dire décisifs comme le vent qui, d’un instant à l’autre, redessine les rues de New York, comme le soleil de Long Island qui suspend tout dans son innocente violence, comme le soudain espace de l’éventuel qui renverse la ville…

Près de vingt-cinq ans plus tard, ainsi qu’il le ferait d’un courant, Charles Duits entreprend de remonter ce vertige qui ne l’a jamais quitté. Sûrement pas pour se souvenir, peut-être pour comprendre ce qu’il est mais surtout pour ne pas démériter de cet appel d’air primordial avec lequel se sera confondu tout ce qui lui importe. : « Un adolescent vient à ma rencontre, je le traverse. Un jeune homme vient, je le traverse. Et tous mes fantômes les uns après les autres. Je les pousse comme des portes. Ce sont des portes vitrées, sur chacune se dessine une image différente. »

Sa chance qui est aussi la nôtre est qu’il a un secret. Duits ne le livre qu’à la fin du texte, ne sachant peut-être pas qu’il lui doit la subtilité frémissante de son écriture : « J’ai toujours cru […] que l’on peut […] photographier l’ombre de l’instant ». Et il y réussit comme on n’aurait jamais imaginé que ce fût possible. J’y verrais volontiers un effet de la redistribution de ces « cartes de miroir », venant renforcer « l’ombre de l’instant », pour lui permettre de saisir ce qui est en train d’advenir, de sorte que tout vibre doublement à sa lumière paradoxale, qu’il s’agisse des êtres, des choses ou des paysages…"

Extrait d'André Breton a-t-il dit passe

"L’écrivain finalement s’adresse toujours à des « amis ». Aux hommes, aux femmes de la tribu, comme dit Mallarmé, au sein de laquelle il est né. Petite tribu, toujours ; morcelée, au surplus, par les haines. L’universalité de la parole est une fiction. Nous ne parlons que de nos soucis ; et n’en parlons qu’à ceux qui les partagent...

Rien ne lui était plus étranger que le souci de durer. Il se plaisait au contraire, comme il le dit quelque part, à « brûler la chandelle par les deux bouts ». Prenait, de propos longuement délibéré, le parti dont les chances paraissent les plus infimes.

Son œuvre est une barque qui fait eau de toutes parts. De la confiance qu’il place dans l’improbable, l’exemple je ne sais pourquoi le plus douloureusement touchant est resté pour moi la phrase qu’on peut lire dans Nadja : « Quelques jours plus tard, Benjamin Péret était là. »

Je vois des millions de visages crouler dans l’ombre, des millions de torses ruisselants de sueur, des millions de bouches attachées à des millions de seins, et toute l’Asie ensevelie avec ses étendards de fer sous une volute...

« Quelques jours plus tard, Benjamin Péret était là. » Phrase qui attend avec une sérénité monstrueuse que tout l’avenir la corrobore, justifie l’importance que Breton attache à la venue de Benjamin Péret. Phrase nue et menacée. Toute l’œuvre de Breton est ainsi faite, et faite à dessein sans doute, des éléments les plus périssables, éléments au nombre desquels il convient aussi de ranger, lorsque Breton écrit les Prolégomènes, la langue française elle-même... Nous sommes à l’heure la plus sombre de la guerre, la dissolution de la France semble définitive. Mais Breton s’exprime comme si RIEN n’avait eu lieu.

Une œuvre fragile, promise à la destruction et à l’oubli. Superbement fragile. Posée, comme la plume de l’aile de Satan, sur la lèvre du gouffre."

En savoir plus...

 

Dans Le Monde des Livres: François Angelier se confie sur sa lecture de Charles DUITS:

"EN TÉMOIGNE L’EXCELLENTE REPARUTION, aux éditions Nadeau, d’André Breton a-t-il dit passe (1969), mémoires de cette figure emblématique du surréalisme d’après guerre que fut le poète, romancier et peintre Charles Duits (1925-1991).  Duits prend le temps d’envisager avec pré cision un personnage trop souvent réduit à sa tiare : un Breton imposant de densité na turelle, mais aussi candide quand il lit des vers, courtois et quotidien (saisi même au saut du lit), désargenté et messianique. Breton, c’était « laforêt de Brocéliande en com plet veston », «on avait la sensation, quand on causait avec lui, de vivre davantage». Annie Le Brun donne à la réédition de ce témoignage important une préface à tom beau ouvert où, bouclons la boucle, le problème du centenaire est dûment posé: « Le surréalisme est ce qu’il y a de plus étranger au monde qui s’apprête à le célébrer. » Nous voici prévenus."

 

 Thierry Marignac dans Antifixion:

"C’est probablement la coexistence déséquilibrée du tourbillon, des déchirements métaphysiques au ciel de l’art, de la mystique — l’ombre de Gurdjieff passe implacable dans des scènes hallucinantes qu’on aurait peine à croire sans la sincérité du ton qui les rapporte — et tant de la quotidienneté du « village surréaliste » que des souffrances banales de Duits à « l’âge ingrat » qui confère à ce livre son charme de malaise. Celuici ne se dément pas jusque bien après, à l’âge adulte, en France, c’est celui de Duits et Breton, séparément, et celui qu’ils ressentent et chérissent quand ils se fréquentent. Le tout jeune homme incarne l’adolescence : il déteste son corps, il est harcelé par les succubes de ses désirs inassouvis. Il est tourmenté par ses condisciples plus âgés qui le traitent de « sale grenouille » dans les pensionnats anglo-saxons, il est en exil de lui-même et des autres, en Amérique blafarde où l’a chassé la guerre, dont les échos parviennent étouffés, gros titres de journaux éparpillés au vent. Mais il est aussi dévoré par « l’orgueil noir, la singularité ». C’est son plus bel atout, celui qui, un jour, lui ouvre la porte d’André Breton. Et tellement d’autres, dans le « village surréaliste » qui parsème Manhattan et Brooklyn. Celle du peintre Matta qui « erra plus tard sans un sou dans les rues de Rome » avec Alain Jouffroy, l’homme au style infracassable de nuit. Avec Matta, Duits vit une grande amitié qui tourne court sans crier gare. Max Ernst, distant, Yves Tanguy tonitruant, le froid et affable Duchamp à l’humour sec comme l’impôt sur le revenu dans des concours de calembours, bientôt la « tendresse intermittente et ombreuse » de Sonia Lekura, artiste-peintre, la gentillesse de Jacqueline Lamba, l’ex-femme de Breton, la générosité de l’amant de celle-ci, David Hare… Tandis que Duits n’est pas tout à fait dupe de ce rôle de jeune homme sublime par lequel Breton l’a intronisé dans le groupe en le proclamant génie poétique."

 

Bon pour la tete - Culture: "Un passionnnat fondateur du père du fondateut du surréalisme". Un article de Yves Tenret : "On fête cette année à grand bruit le centenaire du «Manifeste du surréalisme» et dans ce cadre rien ne pouvait être plus pertinent que le remarquable et si lucide opuscule dontnous allons ici vous parler, «André Breton a-t-il dit passe» de Charles Duits." https://bonpourlatete.com/culture/un-passionnant-portrait-du-fondateur-du-surrealisme

 

La Viduité à propos du récit de Charles Duits: https://viduite.wordpress.com/2024/04/02/andre-breton-a-t-il-dit-passe-charles-duits/

"Nous pensions que ce livre allait nous réconcilier avec André Breton, avec l’image parfois un rien dure que nous en avons donné ici ou là. Assez amusant de voir, on le lui reprochera assez amèrement, que Charles Duits n’épargne en aucun cas son, pour ainsi dire, idole. Charles Duits fait preuve d’une incompréhension illuminée, d’un désir de voir les sentences s’incarner, de croire en la magie du langage. Assez discrètement, il nous le fait remarquer, cela confine chez lui à la schizophrénie. Nous ne reviendrons pas sur la manière dont Breton, de Cravan à Crevel, de Vaché à Nadja, a toujours eu une fascination, parfois un rien douteuse, pour ceux et celles frappés d’un dérèglement de la perception, pour celles et ceux dont il pouvait magnifier la souffrance. C’est, je crois, une des parties les plus émouvantes de André Breton a-t-il dit passe : le récit en creux d’une traversée de perceptions que l’on dit mal adaptées, décalage et solitude, désir mystique aussi d’union."

 

Dans Télérama: "André Breton le regard magnétique" : 15 Octobre 2024

"André Breton ne se promène pas pour sentir le frais du printemps. Il cherche, et trouve. « Il semblait que l'acte de voir fût son acte premier et essentiel. Tout se passait comme si son essence eût été un regard qui ne cillait point, éternel, qui venait deslieux extrêmes et se colorait légèrement de bleu en traversant la cornée. » (Charles Duits). Lorsque le regard bleu tombe sur un masque africain, sur un objet des Puces ou sur la première toile d'un inconnu, André Breton ne se trompe jamais. Il a reçu ce don, et l'avoue simplement : orpailleur de naissance, il voit mieux que d'autres. Maurice Nadeau remarque très justement que sa poésie « ne chante pas. Elle est dépourvue de rythme, de nombre et de timbre. Un seul sens est sollicité : la vue, par un spectacle donné derrière une vitre et que nous ne parviendrons jamais à toucher, à sentir, à goûter ».

 

Une recommandation de François Bordes dans Art press:

"Ce livre est sans doute, avec l'essai de Julien Gracq, la plus belle et la plus originale approche d'André Breton. Bonne idée des éditons Maurice Nadeau de le redonner à lire cette année dans une édition de poche. Réfugié comme lui aux États-Unis, Charles Duits fait la connaissance d'André Breton en 1942. II n'a pas encore dix-sept ans ; cette rencontre orientera toute sa vie et une bonne partie de son ceuvre protéiforme et polymorphe. Poète surréaliste devenu figure de la pop culture, il écrivit des livres poétiques, mystiques, ésoté riques, érotiques et se fit un nom dans la science-fiction. Ce livre inspiré cherche à « photographier l'ombre de l'instant». II saisit au vif la parole et l'image de Breton, le fait parler, le décrit dans le mou vement même de sa pensée, de sa solitude, de son goût de la pudeur, de son humour et de son désespoir. II donne aussi à voir le surréalisme à NewYork: David Hare, Jacqueline Lamba ou Roberto Matta avec qui Duits prépare «l'avènement des Dieux futurs ». Gracq voyait en Breton un fondateurde religion. Duits se fait ici son flamboyant prophète."

 

L'oeuil de l'amateur publie une fine analyse du texte de Charles Duits par Marie Zawisza:

" Il attire à lui tous les jeunes révoltés de l'époque, fascinés par la liberté que leur Propose le surréalisme et attirés par son charisme. Bien plus tard, en 1969, dans un très beau portrait intitulé Andre Breton a-t-il dit passe tout juste réédité (lire p. 127), Charles Duits se souvient de sa rencontre avec ce dernier, exilé aux États-Unis, en 1942, alors que lui-même est un tout jeune poète de 17 ans. Elle a bouleversé sa vie. Violent, Breton ? Au contraire. « De Breton n'émane que la chaleur et l'or », écrit Charles Duits. « Breton était plus que poli, il était courtois. Il avait une façon d'incliner la tête lorsque je lui parlais qui sentait l'ancienne cour », décrit-il encore, en evoquant cet homme chez qui, dans chaque échange, « sous une forme ou sous une autre, l'essentiel était toujours présent ». Car c'est bien de l'essentiel qu'il est toujours question pour Breton. Or « Breton était beaucoup plus émotit que ne le sont la plupart des hommes », observe Charles Duits. Ainsi, L'Amour fou n'est pas seulement, pour Breton, un livre : « il le vit, l'expérimente, l'incarne chaque jour dans le surréalisme - avec ses illuminations, mais aussi ses drames », remarque Didier Ottinger. Le texte de Charles Duits évoque, ainsi, une rupture survenue avec Breton, avant leur réconciliation, des années plus tard, à Paris. "

 

Conseillé par Noé Gaillard dans Daily passions: https://www.daily-passions.com/andre-breton-a-t-il-dit-passe

"On supposera que vous connaissez au moins André Breton comme ‘le pape’ du surréalisme, mais je ne suis pas certain que vous connaissiez Charles Duits… Ce petit livre est à mon sens fort intéressant pour faire mieux connaissance avec les deux dont il se nourrit. Il raconte en trois parties la rencontre entre les deux hommes exilés à New York pendant la deuxième guerre mondiale et ce qu’il en advint. Duits était en milieu et fin d’adolescence et Breton quarantenaire. C’est Duits qui raconte et se raconte à la fin des années 60. Et il écrit avec une telle finesse que ses interrogations, ses constats, ses analyses nous sont parfaitement acceptables. Sa présentation des surréalistes new-yorkais semble d’une grande rigueur, son regard sur Marcel Duchamp nous montre bien Rrose Sélavy. Et Breton ? me direz-vous…Il est partout puisque c’est lui qui donne naissance à Duits-poète en lisant et en publiant les textes du jeune homme qui l’admire."

 

François Angelier à propos de André a-t-il dit passe dans Haiti-24

"Duits prend le temps d'envisager avec précision un personnage trop souvent réduit à sa tiare : un Breton imposant de densité naturelle, mais aussi candide quand il lit des vers, courtois et quotidien (saisi même au saut du lit), désargenté et messianique. Breton, c'était « la forêt de Brocéliande en complet veston » , « on avait la sensation, quand on causait avec lui, de vivre davantage ». Annie Le Brun donne à la réédition de ce témoignage important une préface à tombeau ouvert où, bouclons la boucle, le problème du centenaire est dûment posé : « Le surréalisme est ce qu'il y a de plus étranger au monde qui s'apprête à le célébrer. » Nous voici prévenus."

 

Une recommendation de Daniel Lefort dans La République des Livres: https://larepubliquedeslivres.com/rencontrer-andre-breton/

 

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