Deux litres et demi
En librairie le 10 janvier 2025
1916. Un champ de bataille dans la Meuse, en pleine horreur et sous la canicule.
Le soldat français Jules Récarte, dix-sept ans, veut en découdre. Pendant un assaut, l’énorme explosion d’un obus le piège au cœur d’un cratère profond. Une arène colossale, une prison à ciel ouvert quelque part sur le no man’s land. Blessé, Jules entame une opération survie, au rythme d’un bidon de deux litres d’eau qui s’amenuise. Au fond de l’enfer, il traverse les grands questionnements de chaque homme en prise avec la mort.
Ici, la guerre est le décor, car la scène qui se joue est celle d’un grand roman d’aventure, de ceux qui emmènent loin le lecteur en voyage, dans une cadence effrénée, entre illusions et vérités, menaces et espoirs.
Julien Jouanneau est romancier. Il a publié Le Voyage de Ludwig chez Flammarion en 2019, La Dictature du bien aux éditions de l’Aube en 2016, ou encore L’Effet postillon chez Rivages en 2014.
Extrait
« Le brasier décolère, au bout d’une heure ou deux. Le cratère et le ciel s’unissent en une implacable opacité. La nuit, mitraillée d’étoiles, illumine alors l’antre. Les cailloux et les débris métalliques prennent l’éclat du cristal, les versants brillent autant que des montagnes enneigées. La lune, immense, révèle des os et des crânes au-dessous des lèvres du cratère. Ils forment un halo diamanté tout le long de la crête. Je repère, plus haut, un des points qui tissent la casserole de la Grande Ourse. La Petite Ourse se révèle dans la foulée. Je veux rejoindre cet océan céleste, permuter l’espace et la terre, baigner parmi les constellations. Tout serait alors possible. »
« Huit heures du matin, environ. Le soleil et la migraine tapent. Ma pomme d’Adam rabote la gorge. Je ne transpire plus. La déshydratation est extrême, les cauchemars ne produisent plus de sueur. J’ingurgite un demi-dé d’eau, mais ne l’avale pas. Je retiens le breuvage au fond du palais, avant de rincer les gencives et la langue. Quelle rondeur ! Des arômes hivernaux, des parfums de moisissure et de mousse de grotte. L’attaque en bouche est suave, l’élixir amène une fraîcheur salivante. La texture, racée et structurée, porte le cachet d’un « Château-Citerne de ravitaillement, domaine de Tranchée, millésime 1916 ». La boisson dévale le gosier et enchante l’estomac. Mon corps flageole. Le ventre gargouille de satisfaction et de manque, ses contractions déglinguent la poitrine. La soif triomphe depuis cinq jours. Des crevasses parcourent ma peau, j’ai beau la tirer et la relâcher, son élasticité reste patraque. Elle a pris quinze ans ! »