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Gilles Moraton

Transfuge

Par l'auteur de "Pas la défaite", en librairie le 22 août 2025 Collection À Vif Première sélection 2025 du Prix Le Temps retrouvé.

« Ce que je savais, ce que j’ai su à l’instant où j’ai posé le pied dans cet appartement, c’est que je voulais entrer dans ce monde. Le monde des maisons avec salle de bains ».
Le monde du narrateur est au contraire celui, âpre, des ouvriers agricoles du début du siècle, des travailleurs de la vigne, celui auquel appartient son père qui a fui la misère dans son pays. Un monde où la confrontation au réel est si violente qu’elle efface l’horizon.
Dans ce récit, à travers des scènes et des rencontres marquantes toujours émouvantes qui ont jalonné son parcours de transfuge de classe, Gilles Moraton revisite son histoire d’autodidacte porté par un immense amour pour la littérature et nous donne ici une autre vision, la sienne, du transfuge.

Né en 1958 à Narbonne, Gilles Moraton, fils d’immigrés espagnols, a été garçon de café, maître d’hôtel, vendeur d’encyclopédies, tailleur de vigne, vendangeur, chômeur, manutentionnaire de caisses d’huîtres, vendeur de vin des Corbières, avant de rejoindre les rangs des bibliothécaires-écrivains, spécialisé dans le livres anciens. Auteur de romans et de pièces de théâtre, il est traducteur de l’espagnol et de l’italien. Il a publié aux éditions Maurice Nadeau Pas la défaite en 2022.

Extrait

Extraits 1 : Toute vie est une construction de soi à partir d’objets mémoriels la plupart du temps fantasmés. Nous bâtissons comme nous le pouvons l’édifice de sable et d’eau de la mémoire, nous nous accrochons à des bribes de soi, du vent. On pourrait penser naïvement que la vérité se trouve au cœur de l’édifice, mais il n’en est rien, plus on creuse, plus on s’englue dans la certitude de l’infiniment petit, du dérisoire. Alors on se met en scène soi-même, décors et dialogues compris, on construit cette chose qu’on appelle la vie en essayant de garder une part d’autodérision, parce que non, se prendre au sérieux, quand on sait comment ça va finir, pas la peine.
Nous sommes tous un peu perdus dans l’absurde.

Extraits 2 : Longtemps nous n’avons existé que par la bonté des autres. Leur bienveillance. Les autres ont consenti à nous faire exister, nous devions leur en être reconnaissant. Je parle de la lignée, la mienne. Celle qui a dû quitter son pays pour accéder à une condition un peu moins misérable. Disons, sans craindre la famine, mais à peine. Il a fallu aussi de longues périodes de soumission avant de pouvoir penser, ne serait-ce que penser, que la répartition des choses n’était pas une fatalité. Qu’elle n’était pas immuable. Vous voyez l’Angélus de Millet ? L’attitude recueillie des personnages en prière ? Pareil sans la prière, on remercie le propriétaire. Mais pardon, je m’égare, je ne suis pas là pour refaire l’histoire du mouvement ouvrier, je suis là pour parler de moi.

Extraits 3 : La première fois que j’ai entendu l’expression « transfuge de classe », les poils se sont hérissés sur mes bras. Cette expression, je l’ai tout de suite détestée, elle recouvre l’abandon, la trahison, la saleté morale. Une expression forgée par l’élite intellectuelle pour adouber dans sa caste un paria venu d’en bas. Vois comme nous sommes bons, nous t’acceptons parmi nous parce que tu as su t’extraire de la condition de miséreux qui t’attendait, tu as eu l’intelligence pour ça, la force morale, et patati et patata. Ainsi donc, l’élite intellectuelle forgeuse de nouveaux mots s’est arrangée pour fabriquer du négatif avec un concept positif – par positif j’entends le fait d’accéder à une vie meilleure que celle qui m’attendait dans la logique du déterminisme social. « Traître aux siens » existait déjà mais c’est un peu brutal n’est-ce pas. Parce qu’il faut bien ranger les gens dans des cases, le monde est comme ça, personne n’y échappe. Cette expression n’est qu’un mince vernis de mépris

Extraits 4 : Entrer dans le monde des maisons avec salle de bains. Accéder à cette bourgeoisie qu’on veut mettre à bas. Je sais bien que c’est paradoxal. Et pas très net sur le plan politique. D’un côté la maison avec salle de bains, de l’autre l’envie de tout envoyer valdinguer. 

En savoir plus...

Sur le site de France 3 Ocitanie un article consacré à "Transfuge" de Gilles Moraton :

"Je lisais parce qu’enfin le monde ne se limitait plus aux frontières du village" : récit d'un "transfuge de classe" de garçon de café, maître d’hôtel (drôle de hiérarchie dans le vocabulaire), vendeur d’encyclopédie, tailleur de vignes, vendangeur, chômeur, manutentionnaire de caisses d’huîtres, vendeur de vin des Corbières, puis bibliothécaire-écrivain, spécialisé dans le livre ancien… Voici à quoi ressemble l’irrésistible ascension de Gilles Moraton, fils d’immigrés espagnols.

"Quand on passe en classe supérieure" par Naïri Nahapétian dans le numéro d'octobre 2025 d'Alternatives économiques

L'auteur nous apprend d'emblée qu'il n'aime pas l'étalement de soi. Et de fait, son texte est empreint de recul critique puisqu'il nous dit que la première fois qu'il a entendu l'expression « transfuge de classe », les poils se sont dressés sur ses bras ! II y voit « une expressionforge'e par l'élite intellectueïle pour adouber dans sa caste un paria venu d'en bas ». Car « le pire des maux », pour cet auteur imprégné de la dialectique marxiste, est l'existence des classes.
Et le transfuge a dans la société une utilité secrète, celle de nier cette inégalité. Pourtant, au fil des pages, il doit bien admettre qu'il en est un, de transfuge de classe. Et c'est dû aux livres qu'on lui a offerts sans cesse, en toutes circonstances, suivant ce qu'il analyse aujourd'hui comme un « plan » de sa mère pour qu'il s'élève dans la hiérarchie sociale.(...) Un beau texte plein d'humour et d'intelligence, à lire absolument.

"L'homme qui rêvait d'avoir une salle de bains" par Ève Charrin dans le numéro du 28 août 2025 de Marianne : "Rythmée, poétique, la langue de Transfuge déjoue les attentes avec malice. Moraton écrit «pour exister», et cette exigence brûlante s'éprouve à chaque ligne".

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