À paraître le 7 novembre 2025. Le 25 octobre 1917 (7 novembre dans le calendrier grégorien), Lénine et Trotski lançaient leurs partisans dans un soulèvement armé contre le gouvernement provisoire, alors dirigé par le socialiste Kerensky)
C’est à Moscou, en 1927, que Pierre Naville rencontre pour la première fois Trotsky. Devenu l’un des principaux animateurs du groupe trotskyste français, il a l’occasion de le rencontrer ailleurs dans son exil à Prinkipo, à Copenhague, à Paris. Ce témoignage, publié pour la première fois en 1962, dresse un portrait lucide et sensible du grand révolutionnaire dans son opposition à la dictature stalinienne. 216 p. ISBN 978-2-86231-615-4
Pierre Naville (1904-1993) a fait parti du mouvement surréaliste de 1924 à 1926. Membre du Parti communiste français jusqu’en 1928, puis trotskiste avant de rejoindre le PSU, il a mené en parallèle de son engagement politique une carrière d’écrivain, philosophe et sociologue.
J’avais vingt-trois ans, une volonté exacerbée de dévouement, un besoin illimité de participer à l’entreprise qui seule me paraissait de nature à faire converger ce que j’avais de disponible, de dispersé, et aussi de capable, d’enthousiaste. Je m’étais ouvert auparavant – je m’ouvrais encore – les grandes portes du surréel... Elles n’engageaient pourtant qu’à ce préliminaire des choses où la littérature découvre trop aisément son bien, sans contrepartie, et je ne voyais guère, malgré ce que j’en avais déjà écrit, comment pouvait se faire la jointure entre l’art, la morale et la révolution. Un certain style de vie pouvait y suppléer, mais c’était encore un pont fragile, une velléité, une tentation, à peine une tentative. La vie sociale et politique se révélait alors à moi dans beaucoup de sécheresse et de nudité, beaucoup de renoncement aussi, sans parler de la confusion du temps. À peine engagé dans cette action où je m’efforçais cependant de poursuivre et de regagner ce que je m’étais senti prêt à perdre au fil de la révolution surréaliste, j’éprouvai l’impérieux besoin de toucher au cœur de cette nouvelle espérance, déjà déclinante : Moscou. Cette ville était encore la capitale des capitales ; presque un lieu sacré. Le corps de Lénine y gisait depuis peu. Mais celui de Trotsky était toujours debout, et en pleine lutte, une fois de plus. D’autres figures posaient des énigmes : Boukharine, dont nous connaissions mal le rôle, Zinoviev peut-être, et le fatal Staline... J’avais soif de voir cela, d’aller prendre mes ordres dans le seul endroit du monde où ce fût encore légitime.