"Publié en 1991, Les Aphorismes de Gralph est le seul et unique livre de Nicolas Stakhovitch, un auteur dont nous ne savons rien. Fait d’un seul paragraphe de près de cent pages, c’est un texte qui ressasse, un peu à la manière de ceux de Thomas Bernhard, la méchanceté en moins. Un texte qu’il faut s’autoriser à lire à voix haute, autant pour le plaisir de s’introduire dans cette écriture qui se plaît à étirer ses méandres que pour celui de s’installer dans une pensée qui n’en finit pas de penser, et de nous tenir entre ses griffes, dans un huis clos souvent oppressant mais parfois drôle, notamment lorsque nous voyons cette pensée s’engendrer elle-même, se ramifier dans une arborescence d’une formidable complexité, à partir d’un postulat pourtant sujet à caution (le suicide de Gralph). Une pensée qui ne parvient jamais à se mettre en sommeil, mais qui s’obstine à rester en éveil, comme si elle redoutait de céder au silence, et de voir le château de cartes s’effondrer (nous découvririons peut-être alors que Gralph n’était pas l’ami que le narrateur croyait avoir et, qui sait, qu’Anna n’était pas sa sœur).
Il se peut que ce livre ne nous dise pas autre chose que l’écart qui existe (chaque jour renouvelé) entre ce que nous croyons savoir des autres et ce qu’ils sont réellement. Et notre étonnement, pour ne pas dire notre déception, lorsqu’un événement nous les révèle sous un autre jour, loin de l’idée peut-être fausse dont nous avons toujours eu d’eux, mais qui était l’idée fausse dont nous avions alors besoin." lire l'article
Didier Garcia Le Matricule des Anges n°164 , juin 2015.