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Europa Hôtel

En librairie le 22 novembre 2019

« Un réfugié reste toujours un réfugié, qu’il soit ministre, mollah ou peintre. »

Le narrateur d’origine kurde a fuit les persécutions irakiennes de Saddam Hussein et s’est réfugié à Paris dans les années quatre-vingt. Il y travaille comme veilleur de nuit dans un hôtel trois étoiles, l’Europa Hôtel. Sa vraie profession demeure la peinture, mais il n’arrive pas à vivre des quelques tableaux placés dans une galerie parisienne. Sa rencontre avec Mohammad Hadji Zadeh, un mollah iranien sans titre de séjour, commence ce récit. Ce dernier a une particularité : il ressemble étrangement au propriétaire de l’hôtel d’origine juive portugaise. 

L’auteur nous affirme que ce récit est tiré d’une histoire réelle. Il brasse les itinéraires et le passé familial des personnages dont chaque élément va composer un tableau d’ensemble oriental des exilés en Europe, à Paris en particulier, où seront évoqués la traite des esclaves, le sort des Juifs du Kurdistan, ceux d’Ispahan ou encore la poésie persane.

Farhad Pirbal est né en 1961 dans la région d’Erbil au Kurdistan irakien. Venu en France en 1986 pour étudier la littérature à la Sorbonne, il est retourné au Kurdistan en 1994. Écrivain, philosophe, chanteur, poète, peintre et critique, il est une figure importante et turbulante de son pays. Poursuivi au Kurdistan en 2010 pour avoir publié des textes érotiques dans le magazine Wreckage dont il était l’éditeur, il a suscité une mobilisation des écrivains et journalistes autour de lui. Auteur de nombreux ouvrages et pièces de théâtre, Europa Hôtel est son premier livre édité en français. 

Traduit du kurde par Gaspard Karoglan et Arthur Quesnay.

Image de couverture : Jean-Baptiste Petit.

 

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€ 19.00

Extrait 1

« Les jeunes réfugiés libanais et palestiniens, qui vivaient avec moi à mon arrivée au foyer à Paris, volaient des pantalons, des manteaux et des bijoux en or dans les grands magasins. Ils les revendaient ensuite à des prix défiants toute concurrence devant le magasin Tati de Marcadet-Poissonnière. Même mon ami journaliste bahreïni, un réfugié qui s’appelait Hani Al-Rays, était obligé de s’y employer. Deux autres de mes amis arabes irakiens ont attendu plus de quatre ans leur carte de séjour avant de se suicider par désespoir : le premier s’est jeté sous un métro à Clignancourt, le second a sauté du 11e  étage d’un foyer à Montparnasse. 

Je connaissais aussi un Géorgien qui est devenu fou à force d’attendre toutes ces années et qui a été renvoyé à Tbilissi. Les réfugiés népalais et afghans ont compris en revanche très vite qu’il leur serait impossible d’obtenir un permis de séjour en France. Ils ont quitté Paris pour Londres.

Bref, parmi mes amis réfugiés de ce foyer, il n’y avait que moi qui n’étais pas tombé dans l’illégalité. Cela fait déjà quatre ans que je suis sans passeport, sans travail et que je souffre sans savoir quoi faire. Je deviens fou car ici, je n’ai pas d’identité. »

 

Extrait 2

« C’était vrai que Mohammad Hadji Zadeh était libre à Paris et hors de portée des autorités de Téhéran. Cela faisait plus de trois ans qu’il n’avait ni carte d’identité, ni passeport, ni travail. Las, il disait :

—  La liberté dans la privation et l’absence d’identité ne mènent à rien.

—  Mais tu sais, les pays occidentaux ne sont pas tenus à entretenir et à donner une nouvelle identité à tous les arrivants d’Orient. Ce n’est pas leur tâche.

Parlant également l’anglais, Mohammad Hadji Zadeh désespérait :

—  I know that.

Puis, d’un air critique :

—  Si les dirigeants du monde musulman n’avaient pas transformé nos pays en de grandes prisons, nous ne serions pas obligés de nous exiler dans les pays des kafir.

Trois ans après son arrivée en France, il utilisait toujours le terme de kafir. Après un soupir :

—  En tout cas, si mon histoire est très longue, celle de la connerie des chefs musulmans l’est davantage. Même Jamal Eddin al-Afghani, la plus éminente figure de la renaissance islamique, un descendant du prophète, a été contraint par les dirigeants musulmans de s’exiler en Europe dans le pays des kafir. Pourquoi ?

Il ne m’a pas laissé le temps de répondre et a poursuivi :

—  Parce que sur les terres d’Islam, il ne reste plus de place où vivre libre. »